Des étoiles sous les pompes.
- Ah ! Putain c'est quoi ce truc énorme ?
- Une mouche.
- Attends une mouche c'est pas si gros et c'est carrément moins dégeulasse que ça, t'as vu ses yeux ?
- Mais ici nous avons plusieurs qualités de mouche.
-... Super.
Les premières graines ont commencé à germer. Reste à savoir si aprés notre départ, Pap s'occupera bien de tout ça. A présent c'est aux habitants de Parcelles de s'y mettre vraiment, et sans notre aide. On éspère que ça va marcher, vraiment. Le frère de Pap qui oublie parfois d'arroser les cultures dit que oh, faut pas s'inquieter, Dieu est grand. Bien obligé de lui dire que s'il attend que Dieu arrose à sa place, les concombres eux, risquent d'être plutôt minuscules, voir inexistants.
On a pris nos affaires. Nos papiers, nos crayons, sac à dos, et un couteau. On a salué Traoré Family, et puis on est parties. La gare routière, faut avouer, c'est le bordel. Bien vite abandonnée l'idée de trouver un guichet ou quoi que ce soit de conventionnel. Les sourires vautours nous tournent toujours autours, et on agite nos bras blancs comme pour chasser les mouches. Il y a du vent et je galère pour allumer ma clope. Deux grandes mains noires sortent de dérrière moi et abritent ma flamme qui se dresse enfin. Jamais seule. On finit par baisser les armes et on grimpe dans un bus en leurs faisant confiance, le type qui semble nous prendre sous son aile porte un T-shirt blanc orné du celèbre ruban rouge, et lorsqu'il se tourne on peut lire dans son dos " Le préservatif féminin, un espoir de plus pour la femme". Ironie quasi-tragique. On s'installe à l'arrière du bus et on fait quelques kilomètres, plutot tranquilles jusqu'à ce qu'un énorme camion vienne s'encastrer dans le pare choc de notre bus. Le pare-brise arrière éclate dans un bruit étrange, et des paillettes de verre nous roulent sur les épaules. On remet nos coeurs en marche rapidement, et puis bon, même pas vraiment surprises. On peut y aller maintenant ?
Orage. Paysage grisâtre, silhouettes de Baobabs se détachant sur des plaines nues, orage. La nuit tombe, la route devient de moins en moins praticable, on descend à Joal, trempées par la pluie tiède, on décide de passer la nuit ici en attendant que ça se calme. Petite auberge pleine de moustiques, quelques Toubab touristes aux allures un peu tristes. Je repense à ce que Raël me disait avant le départ : "On prend la route pour qu'elle vous plume, qu'elle vous rince, qu'elle vous essore". On commande deux bières, et puis encore deux. Rescapées, on échange toujours nos idées, nos histoires, prenant soin de ne rien abîmer. J'aime bien me dire qu'on a toujours ce truc au fond du bide, comme un drap noué attaché à une fenêtre, cette passion de la route et du murmure. Théorie selon laquelle autre chose est toujours possible.
Une gamine avex des tresses dans les cheveux, détresse dans les yeux, me fais un baise main en se courbant joliement. La classe, ouais.
- Et toi, c'est quoi ton rêve ?
-Bon, une grande maison. Bon, avec une trés belle femme. Et une belle voiture.
- Mh. T'as jamais envie de voir plus grand?
- ...
- Non, ça veux pas dire "deux femmes et deux voitures". Laisse tomber.