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[ Dakar : Agriculture Urbaine. ]

22 juillet 2008

Des étoiles sous les pompes.

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- Ah ! Putain c'est quoi ce truc énorme ?

- Une mouche.

- Attends une mouche c'est pas si gros et c'est carrément moins dégeulasse que ça, t'as vu ses yeux ?

- Mais ici nous avons plusieurs qualités de mouche.

-... Super.

Les premières graines ont commencé à germer. Reste à savoir si aprés notre départ, Pap s'occupera bien de tout ça. A présent c'est aux habitants de Parcelles de s'y mettre vraiment, et sans notre aide. On éspère que ça va marcher, vraiment. Le frère de Pap qui oublie parfois d'arroser les cultures dit que oh, faut pas s'inquieter, Dieu est grand. Bien obligé de lui dire que s'il attend que Dieu arrose à sa place, les concombres eux, risquent d'être plutôt minuscules, voir inexistants.

On a pris nos affaires. Nos papiers, nos crayons, sac à dos, et un couteau. On a salué Traoré Family, et puis on est parties. La gare routière, faut avouer, c'est le bordel. Bien vite abandonnée l'idée de trouver un guichet ou quoi que ce soit de conventionnel. Les sourires vautours nous tournent toujours autours, et on agite nos bras blancs comme pour chasser les mouches. Il y a du vent et je galère pour allumer ma clope. Deux grandes mains noires sortent de dérrière moi et abritent ma flamme qui se dresse enfin. Jamais seule. On finit par baisser les armes et on grimpe dans un bus en leurs faisant confiance, le type qui semble nous prendre sous son aile porte un T-shirt blanc orné du celèbre ruban rouge, et lorsqu'il se tourne on peut lire dans son dos " Le préservatif féminin, un espoir de plus pour la femme". Ironie quasi-tragique. On s'installe à l'arrière du bus et on fait quelques kilomètres, plutot tranquilles jusqu'à ce qu'un énorme camion vienne s'encastrer dans le pare choc de notre bus. Le pare-brise arrière éclate dans un bruit étrange, et des paillettes de verre nous roulent sur les épaules. On remet nos coeurs en marche rapidement, et puis bon, même pas vraiment surprises. On peut y aller maintenant ?

Orage. Paysage grisâtre, silhouettes de Baobabs se détachant sur des plaines nues, orage. La nuit tombe, la route devient de moins en moins praticable, on descend à Joal, trempées par la pluie tiède, on décide de passer la nuit ici en attendant que ça se calme. Petite auberge pleine de moustiques, quelques Toubab touristes aux allures un peu tristes. Je repense à ce que Raël me disait avant le départ : "On prend la route pour qu'elle vous plume, qu'elle vous rince, qu'elle vous essore". On commande deux bières, et puis encore deux. Rescapées, on échange toujours nos idées, nos histoires, prenant soin de ne rien abîmer. J'aime bien me dire qu'on a toujours ce truc au fond du bide, comme un drap noué attaché à une fenêtre, cette passion de la route et du murmure. Théorie selon laquelle autre chose est toujours possible.

Une gamine avex des tresses dans les cheveux, détresse dans les yeux, me fais un baise main en se courbant joliement. La classe, ouais.

- Et toi, c'est quoi ton rêve ?

-Bon, une grande maison. Bon, avec une trés belle femme. Et une belle voiture.

- Mh. T'as jamais envie de voir plus grand?

- ...

- Non, ça veux pas dire "deux femmes et deux voitures". Laisse tomber.

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22 juillet 2008

Lointaines.

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La première chose dont les gens qui sont déjà partis en Afrique te parlent quand ils apprenent que tu vas y aller, c'est de la solidarité qui y règne. Là bas tu vois, les gens se saluent, se font passer les tickets jusqu'à la caisse dans le bus, s'entraident. Personne n'est jamais laissé seul le nez dans sa merde. On est d'accord. Le premier mot appris en arrivant ici c'est "am", "tiens" en wolof, et ce n'est pas un hasard. Où que tu ailles, il y aura toujours quelques chose à manger pour toi par exemple. Mais il existe des revers bizarres à cette solidarité. C'est à cause d'elle par exemple que la plupart des petits commerces sont tenus par des étrangers. Un Sénégalais ne peut pas refuser de faire crédit à ses voisins dont il sait qu'ils n'ont pas assez d'argent pour acheter. Un Guinéen si. Dans le bus, si un petit croise des connaissances plus âgées, il est censé leur payer le ticket, alors il part s'asseoir à l'avant du bus, loin de la caisse. Y'a aussi les voleurs qu'on tabasse collectivement. Et les enfants qui volent? Et bien on les tabasse comme des enfants. Il faut dire que c'est grave de voler dans un pays où même si tu n'as rien, les gens te feront vivre. Enfin il y a cette famille, qui finit par me paraître étouffante, car on ne la quitte jamais vraiment . Certains dogmes semblent inébranlables; écrasant le sentiment, la tradition avant tout.

La religion a ses raisons, que la raison ignore, surtout en ce qui concerne les femmes. Voilà ce que l'on apprend sous le ciel étoilé Dakarois tandis que les joints de yamba tournent dans nos mains. Inoubliable. Si Pap a le droit d'avoir plusieurs femmes, quatre dans l'idéal nous confie t'il, sa femme elle a le droit de se taire. Ce soir j'apprends qu'une femme ne peut suffire à un seul homme, mais qu'en ce qui concerne l'inverse, c'est différent. Les hommes d'ici semblent croire que la femme supporte bien le harem. Je m'étrangle et riposte, pour une des premières fois de ma vie, en tant que femme. Mais étrangement ce n'est pas le fait d'être confrontés à une femme tenant un discours différent de celui qu'ils tiennent habituellement en son nom qui les fera changer d'avis. Que dalle. Mon erreur de toubab émancipée est de croire que la femme est l'égal de l'homme, alors qu'elle lui est inférieure. Car c'est bien l'homme qui est plus fort que la femme non?  Je serre les dents. Comment te faire comprendre que l'expression d'égalité appliquée au rapport homme femme n'a pas pour but de nier que t'as un zizi, moi des seins et que tu me bats au bras de fer; mais juste d'affirmer que nous sommes tous les deux capables de penser par nous mêmes et pour nous mêmes? A partir de ce moment là, plus d'inférieur ni de supérieur, plus de droit à quatre femmes si pas de droit à quatre maris! Et dire que c'est comme ça depuis que le monde est monde n'a rien d'un putain d'argument: on fait de la merde depuis que le monde est monde, on l'a toujours fait donc on va continuer inch'allah. L'Islam c'est certainement pas depuis que le monde est monde. Et ton droit à quatre femmes tu l'as pas plus trouvé là en arrivant que j'ai trouvé mon droit à l'avortement sur mon paillasson. C'est énervant cette manière de penser que soit les choses se font toutes seules soit elles ne se font pas. Du coup "pas" bien évidemment. Au moindre grain de sable dans les rouages de la logique, au lieu de tout démonter pour essayer de repenser les choses autrement, on fait appel à Dieu c'est si commode.

10 juillet 2008

"- Pap', t'as l'heure? - Actuellement?"

Ce matin par flemme on choppe un taxi pour aller suivre notre dernier jour de formation, au lieu de prendre le bus. Même pas un kilomètre avant d'arriver un policier au froque trop large fait signe à notre taxi de se ranger. Il lui prend ses papiers. Le chauffeur lui donne 3 000F cfa. Le policier lui rend ses papiers. Et nous on suit l'affaire derrière la vitre poussiéreuse, désolées pour notre taximan qui avait l'air d'être cool.

La formation a été brève, 4 jours, et on sait à peu près tout du micro-jardinage. Reste à faire pousser les légumes bien sûr. Le premier jour a été dédié à la confection des bacs.  Ici tout pousse dans tout: bacs en bois, bacs à terre, bacs en étagère, vieux pneus... Mais surtout tout pousse dans un étrange mélange composé de coque d'arachide, balle de riz et laterite.Alors on apprend à le faire nous même, d'après quelles proportions et le formateur nous explique comment y faire le semi. Ensuite il a fallut passer en revue toutes les espèces comestibles par ici pour apprendre à quelle distance les planter les unes des autres afin qu'elles puissent s'épanouir complètement. En gros la croissance des plantes se fait en trois étapes successives: d'abord on les met dans la pépinière, composée du mélange solide décrit ci-dessus. Après il faut les faire passer en post-pépinière, un bac rempli d'eau où les plantes ou boutures coincées dans une feuille de polystirène restent quelques temps avant d'être finalement replantées dans les bacs de production. Mais les semaines et les techniques varient toujours selon les espèces. Le dernier jour on nous enseigne l'entretien et la protection des cultures. Maintenant que tout est écrit dans le petit cahier, on pense à faire un  guide dactylographié et le mettre à télécharger ici. Plus simple que d'essayer de littérairement restranscrire quelque chose qui ne l'est pas du tout.

En attendant l'important et d'aller retransmettre ce que l'on nous à appris à Pap. Hier on a réussit à construire une première table et si tout se passe bien, on devrait faire un semi de concombre aujourd'hui, une espèce censée pousser vite et bien pour que les résultats soient au moins un peu encourageant. Parce que c'est vrai que la tache à l'air moins facile qu'il ne le paraissait au début. Le micro jardinage est plutôt une science de précision. Mais ici suivre les instructions à la lettre c'est plutô un truc de toubab. Et puis ces micro jardins censés lutter contre la pauvreté et initialement financés par la FAO n'ont pas l'air de s'être tellement développés ici, malgré les bonnes intentions. Notre formateur parle de mauvaise gestion du projet, de manque de financement. On reste un peu perplexes, l'école de micro-jardinge semble être restée figée dans le temps. A part Pap' ceux qui se disent intéressés par le projet ne se manifestent pas non plus de façon évidente. Il faut éspérer qu'une fois une première culture mise en place le bruit se répandra. Que sur une terrasses des Parcelles, y'a maintenant des aubergines des concombres et des tomates qui poussent.

7 juillet 2008

Là bas on ne se rend pas compte de la masse de

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Là bas on ne se rend pas compte de la masse de choses que l'on sait sans même le savoir finalement. On sait comment et ou prendre le bus, combien coüte une bouteille d'eau, comment dire bonjour, vers qui se tourner quand on est perdus, ce qu'un regard, un sourire, ou une main tendue veulent dire. Ici, rien. Il faut effacer ce que l'on croit savoir, et réapprendre tout ça. Comme le neveu de Pap' qui tente de se fourrer la cuillère dans la bouche, sans même savoir ou elle se trouve. Manger avec les mains, revendiquer sa pseudo-solitude dans la maison ou personne n'est jamais seul, crever d'envie d'apprendre, et laisser Bouri mettre ses bouts de poisson dans ma main gluante. Réunis autours du plat qui pique la langue dans la nuit bleue, il paraitrait que la femme doit fouiller le riz pour donner la viande à son mari. On met maladroitement nos mains dans le plat, et on se rend compte que du haut de son mètre 90, le grand frère de Pap au visage impassible et aux dents du bonheur dépèce la côte de mouton pour nous en lancer les bouts sans un mot. Dur de trouver l'équilibre entre conciliation de la barrière culturelle et sens critique. Se rappeler qu'on ne peut pas sauver les gens. Alors on fait quoi? Tu peux leur proposer une alternative en vivant sous leurs yeux et en étant l'exemple d'autre chose, mais tu n'es pas acteur, jamais tu n'interviens. Tu viens, tu montre tes libertés, tes choix, tu repars. Ne rien ajouter. Stratégie à retenir pour la nourriture et la boisson : Ingurgiter lentement et en petite quantité. Les femmes sont jalouses de nous, semble-t-il. Quelque part comment leur en vouloir quand on passe la journée avec leurs maris sur la térasse, à boire le thé et fumer des cigarettes ? Une enfant sauvage de Casamance les reins creusés par les enfants qu'elle porte contre ses seins à cheval sur les hanches nous sourit avec curiosité.

4 juillet 2008

Arrivées à Dakar : 02 Juillet - 02h30. Notre

Arrivées à Dakar : 02 Juillet - 02h30.

Notre voyage au Sénégal a été projeté dans l'idée de créer une initiative de jardinage urbain dans le quartier Nord de Dakar, Grand Yoff, en lien avec ses habitants. L'agriculture urbaine à Dakar est connue sous le nom de "micro-jardinage", et correspond notamment à un projet de la FAO visant à donner la possibilité aux populations les plus démunies de se nourrir de leur propre production agricole, dans un contexte où la hausse des prix sur le marché alimentaire (en ce qui concerne le riz par exemple) constitue un problème croissant pour de nombreux sénégalais. Mais l'initiative n'est pas isolée ni seulement l'initiative de la FAO, puisque sur l'île de Cuba à la Havane, tomates, laitues et pommes de terre, plantés dans des bacs faits de matériaux récupérés envahissent chaque centimètre carré. Ainsi une fois sur place et avec l'aide de Pap habitant Grand Yoff souhaitant créer un micro-jardin sur une terrasse dans le quartier des Parcelles, nous sommes partis à la recherche d'information concernant des jardins déjà existants.

Après discussion avec un des amis horticulteurs de Pap, il semblerait que l'ISRA, située derrière l'école d'horticulture de Dakar, propose une formation en micro-jardinage d'une durée d'une semaine... En nous rendant sur place, nous constations effet que pour 10 000 F Cfa, l'ISRA délivre une formation en micro-jardinage, de 9h à 14h, aux participant. Pap travaillant durant la matinée, nous décidons de suivre la formation et de nous retrouver chaque soir avec lui afin de lui retransmettre ce qui nous a été enseigné durant la journée et le mettre en pratique ensembles. Dans l'entourage de Pap, l'idée semble être bien reçue, et certains envisagent même de suivre, eux aussi, cette formation... Nous attendons donc lundi prochain pour en savoir plus et nous atteler à la mise en place d'un premier jardin.

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[ Dakar : Agriculture Urbaine. ]
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